À quelques exceptions près, le chromosome Y détermine le sexe chez les mammifères. La souris naine africaine M. minutoides échappe à cette « règle ». Chez cette espèce proche de la souris
domestique, c'est le chromosome X qui déciderait du sexe. Une équipe pilotée par Frédéric Veyrunes, chercheur CNRS à l'Institut des sciences de l'évolution de Montpellier (1), en collaboration
notamment avec des biologistes de l'Institut de génomique fonctionnelle de Lyon (2) et de l'IRD, viennent d'identifier ce cas de déterminisme sexuel inattendu. Les chercheurs ont mis en évidence
un réarrangement chromosomique particulier sur un chromosome X de la souris. Ces travaux devraient permettre de mieux comprendre comment fonctionne le déterminisme sexuel classique des
mammifères. Ils sont publiés dans l'édition papier du 7 avril 2010 de la revue Proceedings of the Royal Society B (édition disponible dès aujourd'hui sur le site de la revue).
Pour la grande majorité des mammifères (3), le déterminisme sexuel suit une règle simple : un équipement chromosomique XX définit une femelle tandis qu'un équipement XY donne un mâle. Mais la
situation peut s'écarter de ce principe. On parle alors d'anomalies chromosomiques qui engendrent très généralement une stérilité. Sur le chromosome Y, le sexe est déterminé par la présence ou
non d'un seul gène appelé Sry. Localisé en 1990, ce dernier initie le développement du sexe mâle. Sans ce gène, les gonades deviennent ovaires.
Toutefois, quelques espèces de mammifères n'obéissent pas à cette règle. Jusqu'à présent, 7 cas de déterminisme sexuel atypique ont été observés, tous chez des rongeurs. L'équipe coordonnée par
Frédéric Veyrunes vient d'identifier un nouveau cas, le premier décrit depuis 30 ans, chez Mus minutoides, une espèce de souris naine africaine particulièrement intéressante car très
proche de la souris domestique, le principal modèle mammifère utilisé en biologie. S'intéressant à différentes populations de Mus minutoides africaines, les chercheurs ont observé une
très forte proportion de femelles fertiles porteuses des chromosomes XY (74 à 100%).
Pour mieux comprendre ce qui se passe au niveau génétique, les chercheurs ont mené des analyses moléculaires et cytogénétiques. Ils ont ainsi révélé que la réversion de sexe ne semble pas induite
par une mutation sur le gène Sry, mais par un réarrangement chromosomique encore inconnu sur le chromosome X. En effet, deux chromosomes X morphologiquement distinguables sont
présents chez les femelles : X et X*. L'un d'eux, désigné X*, est invariablement associé aux femelles pourvues de la paire X*Y. Il est porteur d'une mutation entraînant la réversion de sexe. Il
est assez surprenant que la mutation soit portée par le chromosome X et non Y, qui décide en général du sexe. Mais le chromosome X des mammifères porte lui-même beaucoup de gènes contrôlant des
traits sexuels et reproductifs, certains exprimés lors de la spermatogénèse. Une question subsiste : pourquoi ces souris XY n'ont-elles pas disparu du fait de la sélection naturelle ? Plusieurs
pistes de réflexion sont avancées pour expliquer ce paradoxe évolutif. Elles sont en train d'être creusées.
Ces systèmes aberrants sont peu étudiés, et les mécanismes expliquant ces anomalies ainsi que leur fonctionnement demeurent quasi-inconnus. Mieux les connaître pourrait permettre de mieux
comprendre le déterminisme sexuel « classique » chez les mammifères. En effet, la majorité des grandes avancées dans ce domaine proviennent de l'analyse de systèmes sexuels variants et de
réversions du sexe pathologiques chez l'homme et la souris.
Communiqué de presse du CNRS - 24 février 2010