Hommes et souris sont attirés par les mêmes odeurs. Tel est le résultat que viennent, pour la première fois, de révéler des chercheurs français de l'unité "Neurosciences sensorielles,
comportement, cognition" (CNRS / Université Lyon 1). Publiés le 16 janvier 2009 dans la revue Plos One, ces travaux confirment que les préférences olfactives ne sont pas seulement déterminées par
l'expérience ou la culture, mais aussi par la structure de la molécule odorante. Ils permettront sans doute une meilleure compréhension des mécanismes neuronaux codant la perception olfactive.
Pouvoir prédire les préférences olfactives humaines à partir de celles observées chez les souris est une autre perspective, plus immédiate.
Chez l'Homme, les odeurs influencent fortement de nombreux comportements quotidiens, telles l'activité sexuelle, les relations sociales ou la prise alimentaire. Certaines sont agréables, d'autres
désagréables et induisent respectivement une attirance ou une répulsion. Cette valeur hédonique, positive ou négative, de l'odeur est très fortement façonnée par l'expérience et la culture du
sujet. Si l'on pense au camembert, son odeur alléchante pour beaucoup de Français peut être repoussante pour une personne d'une autre culture.
Et si les préférences olfactives comportaient une part innée ? Elles seraient alors également dictée par la structure chimique et les propriétés physiques (1) de la molécule odorante. Pour
répondre à cette question, Nathalie Mandairon et Moustafa Bensafi (2), chercheurs CNRS dans l'équipe d'Anne Didier au laboratoire "Neurosciences sensorielles, comportement, cognition" ont mesuré
les préférences olfactives de l'Homme et de la souris, en réponse à une série d'odeurs (3). En effet, si la "valeur" de l'odeur est prédéterminée par la structure de la molécule odorante, cette
dernière doit comporter une information induisant le choix. Partant de là, hommes et souris, confrontés à une même odeur, devraient réagir de la même manière.
Pour les souris, les chercheurs ont utilisé comme indice de préférence le temps passé par l'animal à explorer une odeur donnée. Quant aux humains, il leur a été demandé de porter un jugement et
de donner une "note" entre 1 et 9, des odeurs les plus désagréables aux plus agréables. Dans le même temps, la durée d'inspiration, qui est d'autant plus longue que l'odeur est agréable, a été
enregistrée.
Première conclusion, les hommes et les souris sont attirés ou repoussés par les mêmes odeurs. Le géraniol, une odeur florale, constitue l'une des odeurs préférées par les deux espèces. A
contrario, le guaïacol, qui correspond à une odeur de fumée voire de brûlé, figure parmi celles les moins appréciées. Ce résultat met en évidence la conservation des préférences olfactives entre
ces deux espèces de mammifères. De plus, les scientifiques ont confirmé que ce jugement hédonique est étroitement lié à la structure de la molécule odorante. Celle-ci prédétermine donc en partie
notre préférence olfactive.
Personne n'avait encore suggéré aussi fortement que les mécanismes neuronaux codant pour la préférence olfactive se situaient aux premiers niveaux de traitement de l'information sensorielle.
Jusqu'à présent, il était supposé que tout ce qui avait trait au "jugement" olfactif était essentiellement traité à un niveau supérieur, au sein de structures intégratives du cerveau. Ces travaux
laissent espérer une meilleure compréhension de ces mécanismes et de leur fonctionnement. A plus court terme, ils suggèrent que le comportement de la souris pourrait prédire les préférences
olfactives humaines, ce qui permettrait d'envisager des applications en industrie agro-alimentaire par exemple.
Notes :
(1) Par structure, on entend un ensemble de caractéristiques physico-chimiques qui décrivent la molécule odorante.
(2) Médaille de bronze 2008 du CNRS.
(3) Les odorants étaient des corps purs, n'évoquant pas nécessairement un aliment
CNRS.fr - 15 Janvier 2009